Il ne se passe pas une semaine sans qu’on entende parler de pénurie de main-d’œuvre et des divers moyens pour attirer un candidat de qualité. Dans de nombreux cas, on doit même aller à l’étranger pour attirer des candidats potentiels. Toutes les tactiques sont devenues bonnes pour convaincre une personne de venir travailler au sein de l’entreprise qui offre des environnements, des horaires de travail et des conditions salariales avantageuses et, surtout, meilleures que chez le concurrent.
Le recruteur est devenu peu à peu un vendeur au lieu d’un acheteur.
Bien qu’on puisse affirmer que le marché du travail est plus favorable aux candidats disponibles, les recruteurs doivent se méfier d’une décision d’achat trop hâtive
Lors des formations que je donne aux recruteurs pour leur enseigner à devenir des meilleurs intervieweurs, j’ai invariablement la question suivante : « Comme vous le savez, nous sommes en pénurie dans certains domaines, quelle place doit-on donner à la partie vente dans notre entrevue? ».
En guise de réflexion, j’ai pris l’habitude de demander : quelle est la durée moyenne de leurs entrevues de sélection? La réponse des participants se situe autour de 60 minutes dépendant du niveau du poste. Ensuite, je décortique avec eux les différentes étapes de l’entrevue : accueil (10 minutes), introduction à la compagnie (5 minutes), période de questions à la fin de l’entrevue (10 minutes), période de séduction (15 minutes). Si vous avez fait le calcul, il ne reste qu’environ 20 minutes pour évaluer et convenir de l’adéquation, entre les exigences du travail à faire et les compétences du candidat.
Je peux facilement déduire que passer 15 à 20 minutes à évaluer une personne et lui offrir un salaire de plusieurs dizaines de milliers de dollars, c’est bien peu!
Mais, c’est pourtant la réalité… On passe souvent plus de temps à évaluer l’achat d’un photocopieur qu’à embaucher une ressource humaine.
On sait, en raison de notre métier qui est relié à l’orientation, à la psychologie, à l’employabilité et à la gestion de carrière ou au recrutement, qu’il est pourtant impossible de bien cerner le savoir-être d’une personne en 20 minutes. En tant que recruteur, nous nous sommes laissé envahir par la présente pénurie de main-d’œuvre qui fait en sorte que l’urgence et les pratiques du moment favorisent une prise de décision rapide afin de combler notre besoin.
Dans mes cours de gestion, on affirme qu’embaucher la mauvaise personne coûte très cher. Les lois du travail actuelles nous obligent à avoir un dossier très étoffé avant de congédier une personne. Ce fait d’armes n’est-il pas suffisant pour prioriser une évaluation en profondeur d’un candidat lors d’une entrevue.
Voici quelques pistes de solution pour maximiser l’entrevue de sélection et la période d’évaluation d’un candidat.
- Faites des entrevues téléphoniques pour passer en revue le curriculum vitae du candidat, parler du poste, vérifier ses attentes. Vous pouvez même faire faire cette étape par un stagiaire si vous structurez vos questions.
- Organisez des visites des bureaux avant l’entrevue formelle. Cette étape peut être prise en charge par une équipe marketing ou communication dans votre organisation.
- Laissez peu de place aux questions des candidats à la fin de l’entrevue. En terminant l’entrevue avec les prochaines étapes du processus et un merci, vous éviterez d’étirer l’entrevue en répondant à des questions qui ne vous permettent pas de faire une évaluation structurée d’un candidat.
Toutes ces activités que l’on place à l’extérieur de la période d’évaluation nous permettent de faire un gain de temps d’environ 30 minutes. Nous venons donc d’augmenter significativement la durée de la période consacrée à l’évaluation d’un candidat si on conserve la durée de l’entrevue à 60 minutes. Il y aura donc une réduction du biais cognitif du premier 3 minutes et une augmentation du nombre de facteurs (compétences) qui sont essentiels pour être productif au travail.
Vous comprendrez que je propose de revenir à l’essentiel de ce que doit être une entrevue de sélection. L’entrevue doit être une période où on évalue si les connaissances, les savoir-faire et les savoir-être d’une personne conviennent pour le poste à combler. Vous ferez ainsi moins d’erreurs de sélection et dépenserez beaucoup moins de temps en mesures disciplinaires et procédures de congédiement.
Je vous propose de mettre en priorité la complexe tâche de faire l’évaluation d’un candidat et de devenir un acheteur avisé et méticuleux. Je suis convaincu que c’est payant à moyen et long termes.
Si vous devez absolument faire des activités de séduction, structurez-les en marge des activités d’évaluation et faites-les faire par des professionnels dont c’est la profession.
Mon prochain texte traitera de l’épineuse question du choix des questions à poser pour bien évaluer un candidat en entrevue.